épisode

#22

Des auditions mal embouchées

Après le sabotage de trois lignes TGV le 8 novembre 2008, Julien Coupat, huit de ses amis, et la mère de Gabrielle H. sont interpellés le 11 novembre au petit matin. La SDAT ne trouve ni arme ni explosif. Les gardes à vue se déroulent dans un climat tendu, quand un mystérieux témoin sous X se déclare. En attendant, un rituel bien particulier doit être respecté.

Existe-t-il un comportement « normal», lorsqu’on est en garde à vue ? Une attitude qui satisferait les enquêteurs, arrangerait les affaires du suspect… Un comportement d’« innocent », celui que les policiers renvoient si souvent à la figure des gardés à vue lorsqu’ils ne suivent pas le chemin souhaité : « Monsieur Bidule, croyez-vous que quelqu’un qui n’a rien à se reprocher se comporterait comme ça ? »

Julien Coupat refuse de répondre, il est coupable. N’est-ce pas une attitude de coupable ? Mathieu B. joue la dénégation de l’évidence et l’ironie, il le paie cher. Yildune Lévy ne tient pas le choc, de visite médicale en visite médicale. Simule-t-elle ? Un autre répond aimablement. Trop. Il finit par dire très exactement ce que veulent entendre les policiers, et se dessert lui-même autant que ses camarades. En 2008, il n’y a pas d’avocat lors des auditions.

D’autres tentent le juste milieu. Benjamin R. explique le projet mis en place à Tarnac : « L’idée était d’investir la vie d’un village afin de recréer des liens divers. D’apprendre à connaître les gens, d’avoir des échanges de matériels, de pouvoir autonomiser la vie du village en élargissent ensuite sur les villages voisins. » Les policiers interrogent les autres gardés à vue : « Est-ce que le fait de vouloir s’élargir aux villages voisins n’est pas une façon d’imposer aux autres sa façon de penser et de vivre ? »

« Pensez-vous qu’il nous est possible de nous réaliser en tant qu’êtres ? »

Existe-t-il un comportement « normal » lors qu’on est en garde à vue antiterroriste ? Que la suspicion concerne une « association de malfaiteurs » tellement impalpable qu’elle est aussi difficile à prouver qu’à démentir ? Qu’aucun fait ne vous est reproché, mais des relations, des amis, des tracts, des intentions lues entre les pages des livres saisis dans votre chambre ? Elsa H. (troisième audition, le 12 novembre à midi trente, trentième heure de garde à vue) :

Question : Est-ce que l’anarchie, en l’absence de « gouvernement », signifie pour autant absence de chef ou de leader d’opinion ?

Réponse : Dans la pensée anarchiste, il n’y a pas de chef qui décide ou réfléchit pour les autres.

Question : Que pensez-vous de la société de consommation dans laquelle nous vivons ?

Réponse : J’aime bien être bien habillée, regarder des DVD, lire des livres ou encore aller au cinéma. A côté de cela, il faut faire attention à ne pas surconsommer, car on porte alors atteinte à l’environnement.

Question : (…) L’écologie est-elle un sujet important pour vous ?

Réponse : Oui, car nous allons finir par vivre dans une poubelle géante.

Question : Que pensez-vous du schéma économique mondial, fondé sur le capitalisme ?

Réponse : On voit que cela crée des injustices, que tout le monde n’a pas d’argent. Ce serait bien de penser à changer ça, c’est pour cette raison que je m’intéresse au nouveau parti anticapitaliste.

Question : Pensez-vous qu’il nous est possible de nous réaliser en tant qu’êtres, ou qu’au contraire, le schéma économique capitaliste dicte sa conduite à l’Homme et l’asservit ?

Réponse : Ce système sert l’homme, mais il est imparfait.

Question : Quelle définition donneriez-vous de l’Etat ?

Réponse : Ce sont les gens qui nous gouvernent et qui décident de certaines lois, qui sont au-dessus de nous.

Question : Pensez-vous que l’Etat est responsable de l’application du modèle économique capitaliste ?

Réponse : Oui, et c’est une grosse machine qui met du temps à réagir aux changements.

Question : Pensez-vous que modèles économiques et flux migratoires sont liés ?

Réponse: Les gens des pays du sud émigrent pour travailler, c’est parce qu’ils veulent offrir plus à leur famille.

Question : Que pensez-vous de la politique migratoire de l’Etat français ?

Réponse : Je pense qu’elle est trop répressive. Je trouve révoltant que des sans-papiers soient raflés pour remplir des quotas. La notion même de quotas me fait froid dans le dos.

Question : Pensez-vous qu’une meilleure répartition des richesses, voire une mise en commun des biens et des outils de production amélioreraient réellement la condition de l’Homme, et permettraient d’éviter les drames humains liés à l’immigration ?

Réponse : Je pense qu’il faudrait mieux répartir les richesses, ce qui éviterait tous ces drames. Je suis également favorable à une libre circulation des personnes.

Question : Que pensez-vous des fichiers de données personnelles à usage policier ?

Réponse : Il y a des cas où c’est utile pour les vrais criminels, mais pour les gens qui ont commis un simple délit, c’est abusif.

Question : Que pensez-vous de la mise en place du passeport biométrique ?

Réponse : Cela peut être utile, mais c’est abusif dans le sens où tout le monde est obligé de communiquer des données personnelles.

Question : De quels recours dispose le peuple pour se libérer de la coercition étatique ?

Réponse : On peut manifester.

Question : L’activisme traditionnel suffit-il ou l’action radicale est-elle un mal nécessaire ?

Réponse : L’activisme traditionnel suffit.

Question : Le symbole des anarchistes du 19e siècle était un sabot, que les ouvriers coinçaient dans les machines de production pour protester contre leurs patrons. Le sabotage moderne représente par extension un moyen de défense du peuple contre l’Etat, les services publics ou les grandes compagnies. Approuvez-vous ce mode  d’action ?

Réponse : Non.

Du cordage et des mousquetons

Aria T. et Mathieu B.* ont été interpellés parce qu’ils ont eu la malchance d’être à Tarnac le jour des interpellations. Mais aussi parce que, selon des renseignements de la DCRI, ils ont quitté le domicile du jeune homme à 21 h 08, le vendredi 7 novembre, pour revenir à 2 h 46, le samedi 8 novembre**. Avec une boîte à outils. 5 h 38, ça laisse le temps, à condition de ne pas traîner en route et d’avoir déjà bien repéré les lieux, d’effectuer les sabotages de ligne TGV dans l’Oise. Elsa H. et Bertrand D. aussi. Ils ont quitté la colocation le vendredi à 21 heures, toujours selon la DCRI, et ne sont revenus que le dimanche. Sans compter le matériel d’escalade retrouvé chez eux (voir épisode 18).

L’hypothèse ne résiste pas aux premières heures de la garde à vue. Elsa H. et Bertrand D. ? Ils sont partis à Amsterdam avec une association de l’université de Rouen. Aria T. et Mathieu B. ? Ils sont allés à l’anniversaire d’un ami, puis dans un bar. A Rouen, les policiers vérifient. Tout est vrai.

La tentative de tirage du véhicule des CRS, 3 novembre 2008. Julien Coupat n’apparaît pas sur cette image. (Crédit: Maxppp)

Que reste-t-il, alors, à leur demander pendant quatre jours de garde à vue, en dehors de leur définition de l’anarchie et de leur avis sur l’immigration ? Pour Elsa H. et Bertrand D., il y a le voyage à Cologne (voir épisode précédent) et la manifestation de Vichy, le 3 novembre (voir épisode 13). Ils étaient tous les deux du voyage. Ils ont été contrôlés par les policiers locaux, sur place. Dans leur coffre, du cordage et des mousquetons, immédiatement confisqués. Une corde, un mousqueton, tout l’attirail pour mener à bien l’opération décrite par la SDAT dans son procès-verbal du 3 novembre. Une grande partie de leurs auditions va donc tourner autour de ce sujet – alors même que, par définition, ce n’est pas leur corde qui a pu être utilisée à Vichy, puisqu’elle a été confisquée. Mais les policiers veulent leur faire dire qu’il s’agit d’une idée de Julien Coupat.

« Votre groupe refuse la société actuelle »

Et Aria T. et Mathieu B. ? Pour la première, les questions portent sur la vie à Tarnac, sur la violence potentielle de certains. Il n’y a pas tant de Tarnacois à qui poser ces questions dans le lot des gardés à vue, au final (Julien Coupat, Gabrielle H., Aria T., Benjamin R.). La violence revient sans cesse, et encore au quatrième jour, lors de la huitième audition d’Aria T. :

Question : Julien prônait-il l’idée de faire évoluer les mouvements sociaux de manière violente ?

Réponse : Des discussions que nous avions, la notion de violence n’est pas exacte, c’est plutôt l’idée de créer les conditions de la naissance d’une insurrection en France, de la naissance d’une révolution avec le plus de monde possible. L’idée est que le mouvement doit venir du peuple qui prend conscience de sa situation par les mouvements sociaux qui s’amplifient.

Question : Si nous résumons vos propos, votre groupe refuse la société actuelle, expérimente un modèle de vie social différent et cherche à créer ou amplifier les conditions qui permettraient de supprimer notre actuel modèle pour généraliser votre solution expérimentale ?

Réponse : Oui, il s’agit des idées générales que nous développions dans nos discussions et aussi de l’idée prônée par Julien notamment. (…)

Question : Pour en revenir au rôle de Julien Coupat, lors de vos discussions en tête à tête ou en groupe, faisait-il allusion à des actes violents, attentats, incendies ?

Réponse : Il utilisait parfois le mot de « brûler » une chose ou une autre mais j’ai toujours pensé que c’est une idée en l’air, pas une volonté de nous faire brûler quelque chose ou de commettre des attentats. Il pouvait dire « cramons tous les commissariats de France » mais je n’ai jamais reçu cela comme un ordre.

« Quand bien même on se sait innocent, on en arrive à être paranoïaque »

La tension est forte. Les policiers tournent en rond. Dans la nuit du 13 novembre au 14 novembre, Mathieu B. a reconnu qu’il a fréquenté Julien Coupat, après avoir longuement nié. Le lendemain, la huitième audition débute. Il est 18 heures, c’est la 84e heure de garde à vue :

Question : Vous avez précisé au sujet de Julien lors de votre septième audition : « C’est quelqu’un très érudit, et comme je viens de vous le dire de très sympathique ». Pour quelle raison avoir attendu trois jours pour nous dire cela ? Pourquoi ne pas nous avoir dit cela avant, sachant qu’il n’y a rien de « grave », pour reprendre votre expression, dans la description que vous faites de Julien ?

Réponse : Etant donné l’insistance que vous aviez à m’obliger à parler alors que j’avais décidé de garder le silence sur les choses qui ne me concernait pas et les conditions de la garde à vue, la fatigue, la faim et l’état de nervosité, je n’ai rien dit. Quand bien même on se sait innocent, on en arrive à être paranoïaque.

Question : Néanmoins, nous vous rappelons que la question « Connaissez-vous Julien ? », vous a été posée en début de garde à vue, qu’elle était très simple et que des repas chauds vous ont été proposés à chaque repas. Souhaitez-vous ajouter autre chose ?

Réponse : C’est une blague ça ! A la 36e heure de garde à vue j’étais épuisé, et je n’avais pas mangé de la journée.

« Terroriste en herbe »

Le ton monte, un étrange ressentiment des policiers se fait jour :

Question : Il s’agit pourtant d’une question simple, et pour une personne qui n’a pas manqué de mettre en avant ses sept années d’études en sociologie et qui sait donc répondre à des questions beaucoup plus évoluées, cela n’aurait pas dû prendre trois jours.

Réponse : J’ai dit que je ne connaissais pas Julien tout comme j’ai dit non sur toutes les photos que vous m’avez présentées et que je ne reconnaissais pas, ayant expliqué au préalable que la situation paraissait suffisamment grave pour que je ne m’exprime qu’à propos de ce qui me concernait directement. Et je l’ai précisé à plusieurs reprises. Effectivement, après m’avoir fait miroiter que ma liberté et donc ma capacité à voir mon fils de 9 mois et demi relevait de mon acquiescement ou non à cette question, j’ai consenti à y répondre.

Question : Notre impression est que vous avez mis trois jours à parler de Julien parce que vous connaissez ses activités au-delà de ce que vous nous avez bien voulu nous dire et que vous ne souhaitez pas vous exprimer à ce sujet. N’est ce pas le cas ? Que n’avez-vous pas encore dit à son sujet ?

Réponse : Non, votre impression est fausse. Ce n’est pas en croisant une fois tous les deux mois une personne que l’on connaît la totalité de sa vie. Je ne pense pas que le fait de croiser épisodiquement quelqu’un fasse de moi un terroriste en herbe.

Question : Avez-vous peur de Julien, pour vous, pour Aria ou pour votre enfant ?

Réponse : Non, pas du tout.

« Elle a même précisé avoir plié les tracts avec Julien »

Les lecteurs assidus de ce blog se souviendront peut-être de l’atelier «pliage de tracts» avant une manifestation, suivi avec attention par la SDAT lors d’une filature, le 16 octobre. Peut-être auront-ils trouvé ce détail anecdotique. Peut-être auront-ils pensé que l’auteur de ce blog se moquait un peu facilement du travail de la SDAT.

Pourtant, l’événement est tout sauf anecdotique pour les policiers antiterroristes, qui interrogent Mathieu B. à ce sujet :

Question : Lorsque vous étiez à l’association, place de l’Eglise à Tarnac, n’avez-vous jamais vu de tracts contestataires ?

Réponse : Oui, j’ai vu des tracts, mais je ne sais même pas si j’ai lu leur contenu.

Question : Nous vous informons que votre amie Aria T., placée en garde à vue dans le cadre de la présente enquête, a déclaré lors de sa quatrième audition, que Julien s’est rendu à Paris dans un établissement de photocopie, alors qu’elle attendait à l’extérieur. Lorsqu’il est ressorti, Julien avait fait un grand nombre de photocopies de tracts. Qu’avez-vous à dire ?

Réponse : Je l’ignorais.

Question : Pourtant Aria est votre amie. Elle ne vous a jamais parlé de ces tracts ?

Réponse : Non, même étant mon amie, elle ne m’en a pas parlé.

Question : Elle a même précisé avoir plié les tracts avec Julien pour une manifestation où elle l’a d’ailleurs retrouvé plus tard. Qu’avez-vous à déclarer ?

Réponse : Oui, effectivement, elle est allée à une manifestation, le jour où elle est allée à Paris afin de récupérer son passeport. C’était il y a un mois et demi, deux mois environ.

« L’intérêt que vous partagez avec Julien pour la violence »

Aria T. a « même » précisé qu’elle avait plié des tracts. Et elle ne le dit pas à son compagnon? Incroyable… L’interrogatoire est mal parti, et va tourner à l’absurde :

Question : Toujours lors de la septième audition, vous avez évoqué la journée du 20 octobre 2008 au cours de laquelle Julien est venu vous voir et avec qui vous êtes allé dans un cybercafé. Vous nous avez déclaré : « … Une fois sur place, on s’est installé devant un poste informatique et Julien a lu ses mails et en a envoyé. Je n’ai pas lu la teneur de ses mails, ni de qui il en recevait et à qui il en envoyait… » Confirmez-vous vos propos ?

Réponse: Oui, je confirme.

Question : Les effectifs de police présent ce jour là, en surveillance, ont pris un cliché de la scène. Nous pouvons vous voir clairement en face de l’écran, la tête légèrement penchée vers le bas. Julien, pour sa part, est à gauche de l’écran et se penche sur sa droite, la tête tournée vers la droite pour fixer l’écran. Nous vous présentons la photographie prise par le dispositif de surveillance. Confirmez-vous nos constatations ? Il est évident que vos premières déclarations concernant ce moment partagé avec Julien ne sont pas vraies. Qu’avez-vous à déclarer ?

La première chose qui lui passe par la tête. Voilà ce qu’il déclare. Et c’est pire que tout.

Réponse : Oui, je confirme vos constatations. Oui, effectivement, pendant tout le temps passé là-bas, il y a un moment où je lui ai montré un clip du groupe Justice, celui qui a fait scandale.

Les policiers s’engouffrent dans la brèche :

Question : Pour quelle raison avoir montré ce clip, connu pour être ultraviolent, où l’on peut voir un groupe d’individus masqués tout détruire sur leur passage ?

Réponse : Parce que c’est quelque chose qui avait fait scandale et qui me paraît bien exprimer le nihilisme et la bêtise contemporaine.

Question : Le fait de regarder ensemble un clip comme celui de Justice symbolise l’intérêt que vous partagez avec Julien pour la violence ?

Réponse: Non, pas du tout.

Les policiers répètent, lors de l’audition suivante, que l’anecdote « colore l’intérêt commun [de Julien Coupat et Mathieu B.] pour la violence ». La vidéo Stress, du groupe Justice (il s’agit de celle-là) a été vue par des millions de personnes sur YouTube ou Dailymotion. Des millions d’anarcho-autonomes-prêts-à-basculer-dans-la-violence ?

« Monsieur Mathieu B., ne commencez pas à jouer sur les mots »

Les policiers reviennent sur les séjours de Mathieu B. à Tarnac. La violence, il faut la trouver, l’exprimer, c’est elle le seul vrai sujet de ces gardes à vue.

Question : N’avez-vous jamais rencontré de personnes ayant tenu des propos violents ?

Réponse : Qu’est ce que vous entendez par des propos violents ?

Question : Monsieur Mathieu B., ne commencez pas à jouer sur les mots, à tenter d’éviter la réponse aux questions que nous vous posons par un début de débat philosophique, nous ne vous suivrons pas. Avez-vous entendu des personnes tenir des propos violents sur la société au Goutailloux ?

Réponse : Si pour vous dire « Sarkozy connard » sont des propos violents, alors oui. Si c’est mettre le France à feu et à sang, c’est non.

Question : Pourtant, lors de sa quatrième audition, votre petite amie Aria, avec laquelle vous nous avez précédemment déclaré vous rendre au Goutailloux a déclaré : « Il est évident qu’une partie des gens qui gravitent autours du Goutailloux ont une opinion radicale de la politique. » Comment expliquez-vous cela ?

Réponse : C’est parce qu’elle y va régulièrement et que je ne m’y rends que très rarement. Donc elle connaît mieux le milieu que moi.

La citation complète d’Aria T. est celle-ci :

« Je vais vous dire la vérité, il est évident qu’une partie des gens qui gravitent autour du Goutailloux ont une opinion radicale de la politique. C’est l’idée que la politique en France est pourrie, qu’elle soit de gauche ou de droite et donc qu’il y a assez peu d’espoir avec eux. Il n’y a pas vraiment de but réel à part réveiller la conscience de chaque citoyen. Pour cela, il était envisagé essentiellement les manifestations, violentes ou non. Les théories développées étaient celle de l’extrême gauche. »

Les policiers insistent, très préoccupés par le sort des barrières.

Question : Aria a précisé lors de sa cinquième déposition: « Beaucoup étaient capables parmi nous de secouer des barrières en manifs. » Qu’est ce que cela vous inspire ?

Réponse : Je suis étonné, je ne vois pas ce que cela veut dire.

D’autant plus que la phrase complète d’Aria T. est un peu différente :

« Beaucoup étaient capables parmi nous de secouer des barrières en manifs, mais de là à commettre des actes terroristes, il y a une vraie étape à franchir que je ne cautionne pas. »

« Comité invisible, sous-section du parti imaginaire »

Ça n’avance pas. Pas plus pour Mathieu B. que pour les autres. A force d’insister, les policiers parviennent à faire dire à l’un que Julien Coupat « possède un certain charisme » que c’est « une personne que l’on écoute assez facilement », à un autre que « pour certaines personnes » à Tarnac « la violence n’était pas un problème ». Mais c’est bien maigre.

Quand soudain, un invité surprise s’immisce dans les questions. Neuvième audition de Mathieu B., le 14 novembre :

Question : Nous vous informons qu’un témoin sous X a été entendu dans le cadre de la présente enquête. Il s’agit de l’audition du témoin 42. Avant que nous vous donnions connaissance des déclarations de cette personne, souhaitez-vous faire des déclarations spontanées ?

Réponse: Non, je maintiens mes précédentes déclarations.

Question : Nous allons vous donner connaissance des déclarations de ce témoin sous X. Il a déclaré, au sujet des activités d’un groupe constitué autour de Julien Coupat: « Ce groupe a pris la dénomination de ‘comité invisible, sous section du parti imaginaire’ ». Qu’avez-vous à déclarer ?

Un témoin sous X ? Au dernier jour des gardes à vue ? Qui est-il ?

 


* Dix gardés à vue dans l’affaire de Tarnac. Neuf, si l’on ne retient que les jeunes, et pas la mère de Gabrielle H. Sur ces neuf, trois couples (et Gabrielle H. qui a un enfant avec Julien Coupat). Sept sur neuf… A défaut de parvenir, ou d’avoir eu le temps de concrétiser les « relations conspiratives » évoquées dans la demande d’ouverture d’enquête préliminaire (voir épisode 6), les policiers se sont rabattus sur les relations sentimentales.

 

** Bizarrement, la DCRI a mis en place des « surveillances » autour de la colocation du 78, rue Xxxx à Rouen, selon le procès-verbal de la SDAT, mais elle ne suit jamais les occupants lorsqu’ils sortent, y compris ce vendredi soir, où les policiers restent donc, logiquement, devant une maison vide puisque les deux couples sont partis. Caméra, vous avez dit caméra ?


Article original par Laurent Borredon publié le 07/07/2014

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#21

Après le sabotage de trois lignes TGV le 8 novembre 2008, Julien Coupat, huit de ses amis, et la mère de Gabrielle H. sont interpellés le 11 novembre au petit matin. La Sous-direction antiterroriste ne trouve ni arme, ni explosif. Les gardes à vue ont commencé.

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#23

Après le sabotage de trois lignes TGV le 8 novembre 2008, Julien Coupat, huit de ses amis, et la mère de Gabrielle H. sont interpellés le 11 novembre au petit matin. La SDAT ne trouve ni arme, ni explosif. Les gardes à vue se déroulent dans un climat tendu, quand un mystérieux témoin sous X se déclare.

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