épisode

#43

La reconstitution décomposée

Après le sabotage de trois lignes TGV le 8 novembre 2008, Julien Coupat et huit de ses amis, sont mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Le juge Thierry Fragnoli et la SDAT ont commencé, un peu tard, à s'occuper de trouver des preuves de ces sabotages. Début 2012, ils tirent leur dernière cartouche.

[Pour une meilleure compréhension de ce qui suit, nous sommes contraints de recommander de relire ou de se référer en cas de problème aux épisodes 16 et 17]

La vue sur le site du sabotage à Dhuisy, depuis la route de Boyenval. (Antonin Sabot/LeMonde.fr)

Si l’affaire n’était pas si sérieuse, cela ressemblerait à un gag. Depuis plusieurs semaines, le juge d’instruction Thierry Fragnoli prépare une reconstitution du sabotage de Seine-et-Marne, en présence de Julien Coupat et Yildune Lévy. Le 4 janvier 2011, il transmet une convocation pour la nuit du 13 au 14 aux avocats des parties civiles et des mis en examen. Rendez-vous à 2 heures du matin, devant la mairie de Dhuisy. A l’heure dite, les avocats attendent. Personne ne vient.

C’est que le juge est facétieux : il avait décidé de commencer la reconstitution à un endroit, mais de convoquer les avocats à un autre, situé à 20 km de là, comme le montre sa commission rogatoire de transport sur les lieux, adressée au patron de la SDAT et à celui de la sous-direction judiciaire de la gendarmerie:

« Les mis en examen et leurs conseils seront convoqués le 14 janvier 2011 à 2 heures devant la mairie de Dhuisy (Seine-et-Marne), où un équipage de la gendarmerie ira les chercher afin de les mener en convoi sur les lieux mentionnés au point B5 (l’endroit où il était mentionné que le véhicule se trouvait stationné en direction de Meaux, en bordure de la zone industrielle de Trilport) où nous les attendrons. »

Les gendarmes ont un peu traîné, mais finalement, tout le monde se retrouve, 40 minutes plus tard, « aux abords de la ZI de Trilport, devant le restaurant-hôtel à l’enseigne Le Mouflon d’Or », là où la Mercedes de Julien Coupat et Yildune Lévy a été observée par les policiers de la SDAT et de la DCRI, à 23h40, le 7 novembre 2008. Il y a des policiers et des gendarmes, un représentant du parquet, les trois juges d’instruction, les avocats et Julien Coupat et Yildune Lévy. Pas moins de 30 personnes au total. Les avocats sont déjà passablement irrités. Depuis quelques mois, Thierry Lévy, William Bourdon et Jérémie Assous représentent les mis en examen. Entre ce dernier et le juge Fragnoli, l’ambiance est électrique. Et ça ne fait que commencer.

« Aucun feu rouge n’a été respecté »

Le « procès-verbal de transport sur les lieux et d’interrogatoires » débute. Il doit permettre de vérifier un certain nombre de points, dont des points litigieux qui concernent le procès-verbal de surveillance de Julien Coupat et Yildune Lévy, dans la nuit du 7 au novembre 2008, avec en main le PV lui-même (la « D104 »), les auditions du couple, et les explications fournies par la SDAT début 2010 (voir épisodes 16 et 17).

Jusqu’ici, tout le monde est d’accord. Julien Coupat et Yildune Lévy reconnaissent bien avoir dormi dans leur voiture à cet endroit. Ils ont ajouté avoir vérifié que l’hôtel le plus proche n’avait pas de chambre, ce qu’à confirmé une employée du Mouflon d’or*.

« Mention des juges : Selon les constatations des policiers, le véhicule est resté à ce même endroit du 7 novembre 2008 à 23h40 jusqu’aux premières heures du 8 novembre 2008 à 3h30 ou 3h50.

Les policiers notaient alors que le véhicule allumait ses feux et prenait la route pour se positionner finalement sur la rampe d’accès devant le portail Nord-Est de l’emprise des voies ferrées de Dhuisy passant sur la RD23.

Demandons, dès lors, aux OPJ de la SDAT nous prêtant assistance, de refaire, à allure normale, le trajet effectué par la Mercedes le 8 novembre 2008 (…).

Constatons que nous quittons les lieux en suivant le véhicule de la SDAT à 3h02. (…) Constatons que nous arrivons sur les lieux des faits, c’est à dire la rampe d’accès devant le portail Nord-Est de l’emprise des voies ferrées de Dhuisy passant sur la route départementale n°23 à 3h33. »

Trente minutes pile-poil, c’est le temps indiqué par les policiers en 2010. Dans la D104, ils avaient indiqué être parti à 3h50 et avoir donc mis dix minutes.

« Observations de Me Assous : Aucun feu rouge n’a été respecté. Le seul qui a rédigé le PV de filature est absent alors qu’il s’est rendu disponible il y a quelques jours, comme les autres policiers rédacteurs du PV.

Observation de Me Lévy : Nous savons qu’il y avait 12 véhicules mais nous ne savons pas quelle était leur position sur la route que nous venons de suivre.

Observation de Me Bourdon : L’absence des policiers qui étaient présents il y a quelques jours interdit de leur poser les questions qui s’imposaient.

Observation de Me Assous : M. le juge Fragnoli nous confirme qu’aucun des policiers qui auraient procédé à la filature dans la nuit du 7 au 8 novembre du véhicule de Julien Coupat, n’est présent. Après avoir décliné notre identité, M. le juge a refusé que les 20 personnes qui nous entourent se présentent. »

De fait, la reconstitution entre « pros » a eu lieu dix jours auparavant, avec les « gendarmes ayant procédé aux constatations sur les faits de Dhuisy » et les « fonctionnaires de la SDAT ayant participé à la filature du 7 au 8 novembre 2008 ». Aucun d’eux n’est en revanche présent le 14 janvier.

« Avisons Me Assous que nous avons dû quitter les voies à 4 heures précises à la demande de la SNCF »

L’accès Nord-Est. (Antonin Sabot/LeMonde.fr)

Il est donc 3h30 passée. Sur les voies, les juges veulent vérifier si le type de lampe frontale dont l’emballage a été jeté dans la poubelle du Trilport peut éclairer suffisamment la caténaire, mais ils n’ont plus beaucoup de temps.

« Nous munissant d’une lampe frontale à 5 leds de marque Xanlite, fournie par la SDAT et strictement identique à celle dont Julien Coupat a reconnu être en possession dans l’habitacle du véhicule Mercedes la nuit du 7 au 8 novembre 2008 et dont il a jeté l’emballage, ainsi qu’il l’a déclaré le 13 février 2009 ;

Pénétrons sur les voies par le portail Nord-Est et demandons à deux OPJ de tailles similaires à Julien Coupat et à Yildune Lévy de positionner la lampe frontale sur leurs fronts et d’éclairer ainsi la caténaire ;

Constatons que la caténaire est visible. En l’absence du concours d’une personne de la même taille que Mme Lévy, il est impossible de réaliser la même opération.

Renouvelons cette opération avec différents modèles de lampes : lampes frontales à 3 leds : Constatons que la caténaire est visible.

Observation de Me Lévy : Jusqu’à quelle distance cet éclairage que nous venons de constater est visible ?

Observation de Me Assous : M. le juge Fragnoli a refusé qu’on demande aux gendarmes restés aux points de passage obligés (intersection D23/V4, route qui longe la voie de chemin de fer avec l’intersection D23 route de la ferme de Boyenval et la D23), ainsi qu’aux gendarmes se trouvant au pied du pond de chemin de fer, si ils pouvaient distinguer la lumière issue de ces lampes, ce qui est extrêmement dommage car ça ne nécessitait pas de temps supplémentaire pour y procéder, il suffisait de leur demander par radio, d’autant…

Mention des juges : Avisons Me Assous que nous avons dû quitter les voies à 4 heures précises à la demande de la SNCF et qu’il n’a donc pas été possible de réaliser l’opération qu’il souhaitait. »

 

« Non, jamais nous ne nous sommes arrêtés là »

Il s’agit désormais de vérifier les conditions de la surveillance du couple à l’heure supposée de la pose des crochets sur la caténaire, entre 4 heures et 4h20.

« Constatons que, conformément à nos instructions, un véhicule Mercedes de même couleur et de même type que celui utilisé par les mis en examen la nuit des faits a été positionné sur la rampe d’accès au portail Nord-Est. A notre demande, le moteur de ce véhicule a tourné et est chaud.

Question aux deux mis en examen : Lors de vos interrogatoires respectifs en date des 13 février 2009 et 8 janvier 2009, et alors que je vous donnais connaissance du contenu du procès-verbal de surveillance, vous n’avez pas contesté vous être arrêtés près d’une voie ferrée. Vous êtes vous arrêtés au cours de la nuit du 7 au 8 novembre 2008 entre 4h05 et 4h20 à l’endroit où nous nous trouvons ?

Mme Lévy : Non.

M. Julien Coupat : Non, jamais nous ne nous sommes arrêtés là, ainsi que je l’ai déjà dit. Le lieu où vous avez positionné cette Mercedes aujourd’hui est suffisamment remarquable avec ses phares xénon pointés sur un portail réfléchissant SNCF et dans un chemin en pente pour que je m’en sois souvenu. Ce lieu n’est pas le lieu où nous avons fait l’amour, ainsi que sa pente suffit à le suggérer. Les réponses que vous avez mentionnées ne sont que le produit de vos méthodes d’interrogatoires, des questions à tiroirs que vous avez l’art de poser, de ces questions saturées d’affirmations sous entendues et qui font que l’on donne raison à vos sous entendus, que l’on réponde oui ou non ou peut-être ou qu’on ne réponde pas. Je vous rappelle qu’à cette période, la période de cet interrogatoire, j’étais encore en détention sans accès direct au dossier et donc sans possibilité de vérifier les assertions du juge, ni les falsifications de la SDAT. Vous noterez que dès que nous avons pu avoir accès au dossier, nous avons su faire justice de ces mensonges.

Mme Lévy : Non, je n’étais pas à l’emplacement où vous avez placé la Mercedes ce soir, positionnement qui varie d’un PV à l’autre, et qui n’est pas celui de la cote D 104. »

La voie que la Mercedes est censée avoir emprunté, à 4 heures. (Antonin Sabot/LeMonde.fr)

« Interrompons Me Assous afin de poursuivre la mise en situation »

Entre Jérémie Assous et le juge, la joute continue:

« Me Assous fait une observation : La défense demande à ce qu’on puisse procéder à une reconstitution de la version donnée par M. X, conducteur du véhicule dénommé V1 par messieurs les officiers de police M. et L., lorsqu’il affirme avoir suivi le véhicule conduit par M. Julien Coupat à partir de l’intersection D23/V4 et que au niveau du passage sous le pont LGV, il aurait continué sa route tout droit afin de se rendre au niveau de la ferme de Boyenval et qu’il a pu suivre le parcours de la voiture suivie depuis la voie parallèle par intermittence, ce que M. le juge Fragnoli nous refuse.

Mention du juge : Avisons Me Assous que cet aspect n’a pas été prévu par la mise en situation prévue cette nuit et que nous allons poursuivre la mise en situation en nous rendant désormais à la ferme de Boyenval.

Observation de Me Bourdon : La défense demande que des photos soient prises de la voie ferrée de l’endroit où nous nous trouvons, la voie ferrée étant éclairée par un individu marchant sur la voie ferrée, ces mêmes photos devant être prises des différents points où les policiers ont affirmé s’être trouvés, avec ou sans lampe. Nous regrettons que la défense n’ait pas été en mesure que ces vérifications soient effectuées.

Mention des juges : Avisons Me Bourdon que nous nous sommes engagés auprès de la SNCF à quitter les voies à 4 heures précises et que M. L., représentant la partie civile SNCF, rappelle que toutes les mesures de protection sur les voies ont été levées après 4 heures et que par ailleurs, il ne nous apparaît pas que cette demande ait jamais été formulée par la défense.

Observation de Me Assous : Je partage vos regrets et votre souci pour la sécurité de tous cependant, j’attire votre attention sur le fait que vous nous avez fait perdre 3/4 d’heure précieux en convoquant les avocats à Dhuisy alors que vous nous attendiez gentiment à Trilport. Il aurait été…

Mention des juges : Interrompons Me Assous afin de poursuivre la mise en situation et l’invitons à compléter ses observations par écrit dès ce soir ou ultérieurement. »

La vue sur le site du sabotage à Dhuisy, depuis la route de Boyenval. (Antonin Sabot/LeMonde.fr)

« Nous distinguons une forme parallélépipédique blanchâtre »

Tout le monde va maintenant se déplacer à l’endroit où les policiers de la SDAT ont assuré se trouver entre 4 heures et 4h20. Dans leurs réponses au juge de 2010, les policiers ont assuré qu’ils disposaient de lunettes de vision nocturne pour expliquer qu’ils aient pu distinguer la voiture à distance. Mais comment expliquer qu’ils n’aient pas vu, alors, Yildune Lévy ou Julien Coupat sortir de la voiture pour commettre le sabotage?

« Prenons en voiture la direction de la ferme de Boyenval en passant par la route qu’a pris le véhicule de la SDAT la nuit du 7 au novembre 2008 après que la Mercedes eut tourné à gauche au point 12. Constatons qu’entre ce point 12 et le lieu de stationnement près de la ferme de Boyenval, il s’est écoulé 2 minutes 50.

Demandons aux OPJ de la SDAT nous prêtant assistance de refaire le trajet du véhicule de filature suivant la Mercedes, à partir du point où le véhicule Mercedes aurait tourné à droite, et jusqu’à son lieu de stationnement près de la ferme de Boyenval indiqué lors du transport du 5 janvier 2011. (…) Disons nous rendre sur le lieu d’observation que l’OPJ de la SDAT nous a désigné, les 4 et 5 janvier 2011, situé quelques mètres après le second poteau électrique après le chemin d’accès à la ferme de Boyenval, en direction de la départementale 23, à partir duquel il a vu stationné le véhicule Mercedes à l’aide d’un dispositif d’intensification lumineuse. (…)

Depuis le lieu désigné par l’OPJ les 4 et 5 janvier 2011, observons, à l’aide du dispositif d’intensification lumineuse fourni ce jour par la SDAT, en direction de la rampe d’accès au portail Nord-Est ainsi que cela avait été fait en plein jour et sans jumelles le 4 janvier 2011.

Constatons qu’à l’aide de ce matériel d’amplification de vision nocturne, nous distinguons une forme parallélépipédique blanchâtre qui se détache aisément du reste de l’environnement.

Constatons que cet appareil est de marque Thermal-Eye.

Observation de Me Lévy : Le PV de la cote D 104 ne mentionne pas l’utilisation d’un matériel de ce type.

M. Coupat : Je tiens à préciser que le matériel utilisé est un matériel thermique, et non d’intensification lumineuse, tel que mentionné dans la procédure et nous demandons :

– qu’une ou deux personnes soient positionnées à proximité du véhicule pour savoir si ils sont visibles avec ce nouveau matériel d’intensification thermique

– qu’une personne munie d’une frontale à 5 leds soit positionnée dans la même zone

Me Bourdon: La défense constate en effet que si l’on peut distinguer, comme cela a été relevé par la juridiction d’instruction, un véhicule, on peut d’évidence distinguer un ou plusieurs individus sur la zone, à fortiori si ils sont munis d’une lampe.

Mention du juge : Accédons à la demande de la défense et demandons au surplus que cette vérification soit faite avec une personne debout derrière le véhicule puis ensuite, accroupie derrière le véhicule.

Mention des juges : Le commissaire D. nous indique que deux OPJ de la SDAT se trouvaient dans le véhicule observé lors des observations précédentes. Constatons que ces deux personnes n’étaient pas visibles bien que présentes dans le véhicule mais qu’en revanche, ce dernier l’était parfaitement. Constatons qu’une personne est positionnée à l’extérieur du véhicule Mercedes à hauteur de la portière conducteur, selon les indications qui nous sont données par le commissaire D., en liaison par téléphone avec les enquêteurs se trouvant près du véhicule. L’utilisation de l’appareil d’amplification permet de distinguer une forme irrégulière au niveau de l’avant du véhicule sans que l’on puisse déterminer de quoi il s’agit exactement.

A l’oeil nu, on distingue la lumière produite par la lampe frontale à 5 leds lorsque son utilisateur l’oriente dans notre direction.

Observation de Me Bourdon : Distinguons une forme à coté du véhicule caractéristique d’un individu.

Observation de M. le procureur : Je n’ai pas vu de forme humaine et pour ce qui est de la lampe frontale, j’ai vu un point lumineux faible par intermittence.

Observation de Me Assous : Je confirme les observations et les constatations de William Bourdon, à savoir qu’on distingue la tête de l’individu au dessus du véhicule. Je confirme également les observations de M. le Procureur de la République à propos de la luminosité dégagée/émise par la led, à savoir qu’on la distingue par intermittence suivant la direction qu’elle éclaire.

Après avoir demandé à l’OPJ situé près de la voiture observée et muni d’une lampe frontale à 5 leds en fonctionnement de regarder parallèlement aux voies, constatons que le point lumineux de la lampe frontale reste visible mais un tout petit moins cependant lorsque la lampe frontale est dirigée vers les voies.

M. Coupat : Lorsque la personne a le dos à nous et éclaire les voies avec sa lampe frontale, selon moi, c’est encore plus visible.

Mentionnons que nous faisons positionner un OPJ à un mètre environ à l’avant du véhicule Mercedes observé.

Observation de M. Edmond Brunaud selon laquelle il n’a pas vu de silhouette devant le véhicule.

Observation de MM. Jannier et Fragnoli selon laquelle ils ont vu une forme indéterminée devant le véhicule.

Observation de Me Lévy : Je vous rejoins en indiquant que la forme indéterminée est devant une autre forme indéterminée.

Observation de Me Bourdon : La défense souhaite que l’OPJ soit observé en mouvements. (…)

Mention des juges : Constatons une forme indéterminée en mouvements.

Observation de Me Bourdon : On distingue nettement une silhouette qui bouge, qui marche et on exclut assez rapidement qu’il s’agit d’un animal qui tourne autour de la voiture.

Observation de Me Assous : On distingue particulièrement les jambes de l’individu lorsqu’il est en mouvement. »

En résumé, les avocats ont manifestement une meilleure vue que les magistrats.

« Interrompons Me Assous et le prions de bien vouloir poursuivre ses observations par une note »

Puis tout le monde revient au Trilport, « en bordure de la RN3, en direction de Meaux juste avant le pont de la Marne ». Ce point a été rajouté à la reconstitution début janvier par le juge Fragnoli, en raison de la découverte des tubes au pied du pont – découverte ignorée à ce moment par les mis en examen et leurs conseils (voir épisode 41).

« Question à Yildune Lévy: Lors de votre interrogatoire du 8 janvier 2009, alors que je vous demandais les raisons pour lesquelles vous vous étiez arrêté à Trilport deux mois plus tôt, près du pont de la Marne, le 8 novembre 2008 à 4h45, alors que vous rentriez vers Paris, ainsi que le mentionnait le procès-verbal de surveillance, vous m’avez répondu :

« Je ne me souviens pas de cet arrêt. J’avais peut-être envie d’uriner à ce moment là, je ne m’en rappelle plus »

Pouvez-vous m’indiquer où vous vous êtes arrêté pendant quelques minutes à 4h45 ?

Réponse : Comme je vous l’ai déjà déclaré, je n’ai pas le souvenir d’un tel arrêt.

Question à Julien Coupat : Pouvez-vous m’indiquer où vous vous êtes arrêté pendant quelques minutes à 4h45 avant de franchir le pont de la Marne pour retourner sur Paris ?

Réponse : Je n’ai pas le souvenir d’un tel arrêt non plus.

Observation de Me Assous : Je fais une observation relative à Dhuisy, que je n’ai pas pu vous faire avant parce que je ne savais pas qu’on se rendait à Trilport. Il parait indispensable de vérifier la conformité et le positionnement des véhicules et officiers de police qui prétendent avoir été sur place et encercler le véhicule immédiatement après que ce dernier ait quitté la voie car ils prétendent avoir pris position à l’endroit exact où le véhicule Mercedes a stationné entre 4h00 et 4h20 du matin avant même que ce dernier ait atteint l’intersection V4/D23 qui se situe à moins de trois minutes du pont de chemin de fer. Il est indispensable dans ces conditions de savoir où se trouvaient l’ensemble des policiers ayant effectué cet encerclement entre 4 heures et 4h20 afin de savoir comment ils ont pu se rendre…

Mention du juge : Interrompons Me Assous et le prions de bien vouloir poursuivre ses observations par une note qu’il nous transmettra ultérieurement.

Observation de Me Bourdon : Nous persistons à regretter l’absence des OPJ rédacteurs du PV D 104 qui ont su se montrer disponibles il y a quelques jours et nous regrettons la méthode, le format de cette reconstitution qui ont empêché que s’effectuent des vérifications simples que la recherche de la manifestation de la vérité commandait et aurait permis de l’établir. »

Il n’y aura pas d’autre reconstitution en présence de Julien Coupat et Yildune Lévy**. C’est dommage : elle aurait permis d’expliquer comment le couple a pu retirer deux tuyaux de 2 mètres de la Mercedes, puis les jeter dans la Marne, à l’insu des policiers qui les suivaient. Des policiers qui, une fois de plus, ont tout vu, sans jamais rien voir.


*Les policiers de la SDAT ne l’auditionnent qu’en juin 2010, alors qu’une armée de journalistes, et les parents de certains mis en examen, sont déjà passés par là.

**Le 10 mars 2011, le juge procède à une reconstitution de la pose du crochet elle-même, à l’aide de tubes similaires à ceux trouvés dans la Marne, mais uniquement avec les policiers de la SDAT et des gendarmes. Conclusion, sans surprise : c’est possible !


Article original par Laurent Borredon publié le 31/07/2014

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#42

Après le sabotage de trois lignes TGV le 8 novembre 2008, Julien Coupat et huit de ses amis, sont mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Le juge Thierry Fragnoli est chargé de l’instruction. Les relations avec les avocats sont tendues, une plainte pour faux a été déposée au sujet du PV de filature de la nuit du 7 au 8 novembre.

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#44

Après le sabotage de trois lignes TGV le 8 novembre 2008, Julien Coupat et huit de ses amis, sont mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Attaqué par les politiques, les avocats des mis en examen, les mis en examen, le juge d'instruction Thierry Fragnoli a toujours encaissé et gardé la foi dans son dossier. Début 2012, un enchaînement de circonstances change la donne.

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